Jean-Bertrand Aristide est de retour.
Encore une fois. Depuis le début des années 80, homme d'Église ou homme
politique, il revient, avec une constance marquée, au pays ou au-devant de la
scène, porteur de peur et d'espérance. Revenir — d'études, d'exil, au pouvoir,
de disgrâce — est pour Aristide une habitude. Ce mercredi, c'est Port-au-Prince
qui l'a revu. Pour la première fois, depuis février 2004. Presque dix ans.
Jean-Bertrand Aristide avait rendez-vous avec la justice. Il est un citoyen
comme les autres. Même si ceux qui le disent ne le croient pas. Le directeur
général de la Police nationale d'Haïti, Godson Aurélus, martial, en annonçant,
moins de vingt-quatre heures avant l'audition d'Aristide par le juge Yvickel
Dabrésil, que toute manifestation est interdite sur la voie publique, confirme
que l'homme de Tabarre est différent. « L'accompagnement » des militants qui
n'étaient pas appelés à manifester, pour reprendre les termes du Dr Maryse
Narcisse, porte-parole du parti Fanmi Lavalas d'Aristide, a eu un effet boeuf.
L'attroupement depuis la veille de ses partisans devant sa résidence, le
déploiement massif des forces de sécurité, le cortège imposant, la foule
euphorique, l'implication curieuse des médias comme de la population, tout
indiquait que la justice ne recevait pas n'importe qui. L'homme de Tabarre
n'est pas un citoyen comme les autres. Aristide est de retour. En politique.
Une déclaration de Richard Morse, la montée de l'attention, tout concorde. Un
acteur majeur reprend du service. Pour qui ? Pas pour lui : la Constitution en
vigueur lui barre la route de la présidence pour un troisième mandat. Peut-être
pour les siens, pour le prochain combat électoral. Depuis 1990, Aristide a
toujours eu rendez-vous avec la nation. Avec ses promesses. Avec son projet.
Chaque fois contrarié, il repart toujours à l'assaut. Ce 8 mai, sans dire un
seul mot à la foule ni au pays, l'homme de Tabarre, semble-t-il, met le pied à
l'étrier pour une nouvelle course. L'administration Martelly-Lamothe
commence-t-elle une partie différente de celles jouées jusqu'ici ? Ceux qui
constituaient l'opposition à Martelly doivent se demander de quoi demain sera
fait. La communauté internationale, en embuscade sur la route de nos luttes
pour le pouvoir, révise déjà ses plans. Aristide est de retour. Encore. Il a
été si souvent le cauchemar et le recours. Les milliers de sympathisants et de
curieux, accourus sur le parcours du cortège entre la cour d'appel et la
résidence de Tabarre de l'ex-président, formaient une masse qui a couvert, de
son mugissement, les quelques mots sortis des lèvres de Jean-Bertrand Aristide
mercredi. On ne sait rien de ses plans. On lui prête des intentions. Il faudra
attendre son point de presse annoncé pour ce jeudi pour en savoir plus. En
attendant, le retour d'Aristide, sans nul doute, pèse sur l'échiquier. Le poids
et l'ombre que Titid jette sur la scène politique sont ses principales
faiblesses. Encore une fois.
Frantz Duval duval@lenouvelliste.com
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